RAPPORT Nº 25/10

PÉTITION 461-01

DÉCISION DE MISE AUX ARCHIVES

HAÏTI

16 mars 2010

 

VICTIME PRÉSUMÉE:            Lucien Gervais

 

REQUÉRANTE:                   Michèle Gervais

 

DÉBUT DU TRAITEMENT DE LA PLAINTE:     13 juillet 2001

 

VIOLATIONS ALLÉGUÉES:   Articles 7, 8 et 25 de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme (la “Convention Américaine”)

 

I.              POSITION DE LA REQUÉRANTE

 

1.             Le 29 juin 2001, la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme (la « Commission interaméricaine » ou la « CIDH ») a reçu une pétition de madame Michèle Gervais (la « requérante ») contre la République d’Haïti (« l’État » ou « Haïti »), au nom de son mari monsieur Lucien Gervais (« M. Gervais » ou la « victime présumée ») pour la violation de ses droits à la liberté personnelle, à un procès équitable et à la protection judiciaire, garantis respectivement par les articles 7, 8 et 25 de la Convention Américaine.

 

2.             La requérante allègue que M. Gervais fût arrêté en juin 2001, sous de fausses charges de terrorisme et de trahison.  Elle allègue que cette arrestation faisait partie d’une politique implémentée par l’ex président Aristide afin d’éliminer les opposants politiques et que le Président avait même offert, par écrit, une récompense pour la tête de M. Gervais. Elle allègue ainsi que M. Gervais a été victime d’une tentative d’assassinat alors qu’il se trouvait au Pénitencier; que « ils » (sans définir « ils ») devaient payer pour sa protection, nourriture et eau et que M. Gervais souffrait de fortes fièvres et ne recevait pas les soins médicaux requis. De plus, la requérante allègue que l’affaire de son mari ne fût jamais entendue par un juge.

 

3.             Dans une communication datée du 7 juillet 2009, la requérante a informé la Commission interaméricaine qu’elle avait entendu dire que son mari avait été libéré, mais ne pouvait pas confirmer quand, ni où, car elle avait perdu tout contact avec lui.[1]

 

II.         POSITION DE L’ÉTAT

 

4.             Comme réponse, l’État a fourni à la Commission interaméricaine un rapport d’une entrevue conduite entre l’Office de Protection du Citoyen (« l’OPC ») et M. Gervais le 24 août 2001. Selon l’OPC, M. Gervais a confirmé plusieurs des allégations contenues dans la pétition, comme la manière dont il fût arrêté et le fait qu’au moment de l’entrevue, il n’avait toujours pas été informé des charges contre lui. Cependant, contrairement aux affirmations de la requérante, l’OPC soutient que M. Gervais a indiqué que depuis le début de son incarcération il était bien traité, n’avait pas été battu, pouvait circuler librement à l’enceinte des installations carcérales et qu’il avait même accès à une télévision. Toujours selon l’OPC, M. Gervais a indiqué recevoir de la nourriture de sa famille tous les jours, jusqu’au 28 juillet 2001, date à laquelle il a commencé à se nourrir à la cafétéria du Pénitencier, de laquelle il ne trouvait pas à se plaindre. Il a également supposément dit recevoir ses médicaments et a décliné l’offre de l’OPC de le mettre en contact avec certains membres de sa famille.

 

5.                  Dans une communication reçue le 26 novembre 2001, l’État a allégué que des procédures judiciaires avaient été initiées contre M, Gervais, pour fabrication de bombes.

 

III.        TRAITEMENT DE LA PLAINTE DEVANT LA COMMISSION INTERAMÉRICAINE

 

6.                  Une fois la pétition reçue, la CIDH en a transmis les parties pertinentes à l’État le 13 juillet 2001, lequel transmit sa réponse le 28 août 2001. Les deux parties ont échangé leurs observations jusqu’en janvier 2004.[2] Le 21 avril 2009, de façon contemporaine à l’envoi d’une communication réitérant à l’État de présenter ses observations, la CIDH en a informé la requérante et lui a demandé de présenter des informations mises à jour à l’intérieur d’une période d’un mois. Le 7 juillet 2009, la requérante a informé la CIDH, par l’entremise d’un courriel envoyé au Secrétariat de la CIDH, qu’elle avait entendu dire que M. Gervais avait été libéré du Pénitencier National, mais qu’elle n’avait aucun moyen pour entre en communication avec lui et qu’elle ne savait pas non plus où il se trouvait.

 

IV.        FONDEMENTS POUR LA DÉCISION DE MISE AUX ARCHIVES

 

7.             L’article 48(1)(b) de la Convention Américaine, tout comme l’article 42 du Règlement de la CIDH, établissent qu’avant de déterminer la recevabilité d’une pétition, la Commission interaméricaine devra vérifier si les motifs lui ayant donné lieu existent ou subsistent toujours et si elle considère que non, elle ordonnera la mise aux archives de l’affaire. De plus, l’article 42(1)(a) du Règlement prévoit que la CIDH pourra décider de classer une affaire aux archives lorsqu’elle considère que l’information nécessaire pour rendre une décision n’est pas disponible.

 

8.             Dans la présente affaire, la requérante – épouse de la présumée victime – a informé la CIDH qu’elle avait entendu dire que son mari avait été libéré, mais qu’elle n’en connaissait pas les circonstances, ni où il se trouvait aujourd’hui. De plus, l’information disponible à la Commission interaméricaine indique que M. Gervais fût informé par l’OPC qu’une pétition avait été déposée en son nom devant la Commission interaméricaine, ce malgré quoi il n’a pas communiqué avec la CIDH. De plus, la CIDH n’a aucun moyen d’entrer en communication avec lui.

 

9.            Dans ces circonstances, la CIDH considère qu’elle ne possède pas les éléments nécessaires afin de déterminer si les motifs ayant donné lieu à la pétition subsistent, afin de se prononcer sur la recevabilité de la pétition, ou afin de rendre une décision sur les violations des droits humains alléguées. Par conséquent, en conformité avec l’article 48(1)(b) de la Convention Américaine et l’article 42 de son Règlement, la CIDH décide de classer cette pétition aux archives.

 

Fait et signé à Washington, DC., ce 16ème jour du mois de mars 2010.  (Signé): Felipe González, Président; Paulo Sérgio Pinheiro, Premier Vice-président; Dinah Shelton Deuxième Vice-présidente; et María Silvia Guillén, José de Jesús Orozco Henríquez, Rodrigo Escobar Gil, en qualité de membres de la Commission.


 


[1] La requérante a mentionné qu’elle se trouvait actuellement à l’extérieur d’Haïti et qu’elle n’avait aucune intention de retourner en ce pays.

[2] L'État a présenté ses observations le 7 Septembre 2001, Novembre 26, 2001 et Février 12, 2002. Le pétitionnaire a fait de même le 15 Septembre et 15 Octobre 2001 à Janvier 6, 2004. La Commission a reçu une communication de la pétitionnaire et transmis les éléments pertinents de l'État, Janvier 13, 2004.